Le caillou qui voulait voir le monde - Conte pour enfant
Par Sabine D’Halluin
C’est l’histoire d’un petit caillou au bord d’un chemin. Un chemin de campagne.
Il est là, au bord du chemin, depuis sa naissance. Devenu grand, il a désormais envie de découvrir le monde, de parcourir la terre…

« Hélas, caillou que je suis, comment sortir de mon bord de chemin ?… » se demande-t–il sans cesse.
Son désir le torture, jour et nuit, il songe à des horizons nouveaux, à des rencontres imprévues…

« Oui, mais voilà, se dit-il, pour me déplacer, je n’ai pas de jambe ni de patte comme les chiens, les chats ou les renards… Je n’ai pas d’ailes comme les mésanges, les canards ou les hirondelles… Je n’ai même pas la légèreté d’une feuille pour me faire porter par le vent. Comment faire ?… »

Alors, réunissant toute sa volonté en un effort superbe, il réfléchit, réfléchit, réfléchit longtemps dans sa tête de caillou d’où lui surgit enfin une idée:
« Voilà, j’ai trouvé !… Si je deviens lisse et bien rond et que le vent se montre clément pour m’aider un peu, je pourrai rouler le long du chemin, qui, derrière le talus, est en pente. Alors, je dévalerai le chemin et je pourrai voir le monde et ses richesses. »

En effet, au bord du chemin, le caillou a souvent entendu parler du monde - comment dire, du monde derrière le talus ! - il y a les marchands de tissu et les marchands de tapis qui discutent le bout de gras, les laitières qui reviennent du marché et les amoureux qui roucoulent des histoires d’îles parfumées… Et surtout, les enfants qui reviennent de l’école :
« Toi, tu iras voir Lens-PSG, samedi ?

« C’est trop triste, se dit le caillou, tant d’efforts pour rien !… »
Et là, au bord du chemin, il se met à pleurer…C’est la première fois qu’il pleure…C’est très très rare chez les cailloux mais parfois cela arrive, c’est qu’il est trop malheureux, malheureux comme les pierres… Et parfois, vous savez, quand on ne voit pas le bout du chemin et qu’on ne sait plus comment faire, le destin donne un petit coup de pouce….Eh bien, pour notre caillou, c’est plutôt un petit coup de pied qui fait basculer la situation… L’enfant puni à cause de ses maths a réussi à s’échapper de la télévision, il grogne et boude sur le chemin, il regrette tellement de ne pas être allé voir le foot avec son père et son frère !…Du coup, il shoote dans tout ce qu’il trouve, il shoote à droite, il shoote à gauche…OUIIIIII !!!….BUUUUT !!!…Dans le caillou !…DANS LE CAILLOU !!!… Le voilà qui s’envole au dessus des fleurs, quel vole-plané, mes amis !…Il atterrit au delà du talus et roule, roule à travers un petit sentier raviné par l’écoulement de la pluie.
Ca y est, le caillou est parti !
« Au revoir mes amis. Merci, merci ! Jamais je ne vous oublierai… » se dépêche-t-il de crier parce que déjà il ne peut plus s’arrêter sur la route en pente, pas de frein, pas de limite au voyage !
Il se met à dévaler le versant à une allure incroyable, vertigineuse. Le caillou est ivre de joie, dans ce tourbillon, il ne manque pas une image du nouveau paysage qui défile à ses yeux. La rivière, oui, il y a une rivière de l’autre côté du talus et, quelle bête étrange, le caillou n’en a jamais vues de pareilles : une voiture !… Le plus étrange, c’est qu’elle roule comme lui !… Il se cogne la tête contre ses collègues, les autres cailloux du chemin
« Pardon, excusez-moi… Je ne peux pas m’arrêter! ».

Toutes ces collisions sur les obstacles du chemin, résonnent comme des percussions et produisent une jolie musique. Le caillou est si heureux de s’ouvrir au monde qu’il accompagne cette musique de son chant et de sa mélodie personnelle… Peut-être un jour le croiserez-vous sur un chemin, roulant et chantant, peut-être vous demandera-t-il un petit coup de pouce, non, de pied, pour aller plus loin, toujours plus loin dans son voyage !…

FIN